La loi sur les quotas
d’expression française.

 

Si nous avons décidé de traiter ce sujet, c’est avant tout dans le but de comprendre les effets que la loi pouvait avoir sur un groupe comme SLOY ...
Réellement contraignante ? , discriminatoire ?

Après des recherches dans les milieux professionnels, nous nous sommes aperçus que ces interrogations, qui nous apparaissent primordiales, étaient loin derrière les soucis économiques et ses implications politiques. Si loin qu’on en vient à se poser la question suivante : Où est la part de l’artistique dans tout cela ?

Commençons par faire un petit tour d’horizon des principaux intéressés :
Il suffit de parcourir la " Lettre du C.S.A. " de janvier 1997 pour les connaître. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (organisme chargé de faire appliquer la loi) prend uniquement en compte dans son bilan : les gros réseaux radiophoniques commerciaux et les majors compagnies de l’industrie du disque. Le ton est donné.

Du côté des Radios commerciales ?


Il est évident que la loi est avant tout, dans un cadre général, dommageable pour les radios. La question du " format " n’est à aucun moment prise en compte (Par format, on entend le style de programmation musicale de la radio). Effectivement, une radio de format " rock " par exemple aura du mal à trouver un nombre suffisant d’artistes " rock " francophones de qualité pour atteindre les fameux 40 %. Le problème est d’autant plus complexe que les radios ne parlent pas en terme d’artistes ou de groupes, mais uniquement en terme de " tubes grand public " (tout artiste ne génère pas ponctuellement des " tubes ").

Du côté des maisons de disques ?

On se frotte les mains, logique, on leur donne ici l’opportunité de mettre en exposition " 40 % " d’artistes en plus, une aubaine ! Elles ne tardent pas à mettre en place une politique allant dans le sens de la loi et signent à tour de bras ...

On se retrouve en fait dans un schéma très simple : les gros réseaux radiophoniques traitant directement avec les majors pour trouver la matière nécessaire au bouclage de leurs quotas sous l’oeil bienveillant des instances gestionnaires. (" Tu me fais un groupe, moi je te le diffuse et tout le monde est content ")

Le gouvernement ?

On constate avec surprise que personne ne défend le fait qu’avant tout nous sommes dans une volonté de protection de la " production française ". Il faut savoir que les ventes de disques sont en régression depuis plusieurs années maintenant.
Au vu des législations européennes, " les lois ne doivent pas causer de restriction à la libre circulation des services fondés sur la nationalité ", autrement, ce serait du protectionnisme. Donc, c’est purement politique. Le gouvernement sort la carte de l’exception culturelle dans une logique de défense de la langue et pour se dédouaner, on brandit " Jacques Brel, Jane Birkin ou Céline Dion ", en mettant bien l’accent sur le fait que ce n’est pas une défense de l’économie, mais une défense de la langue. En ce qui concerne les artistes étrangers qui utilisent le français, c’est l’arroseur arrosé.

Et les groupes alors ?

Pas la peine d’aller frapper aux portes des majors, si vous n’avez pas une majorité de morceaux en français : résultat direct du côté discriminatoire. Cette volonté a toujours existé chez les maisons de disques, elle s’est juste affirmée avec la loi. Pour prendre le cas des groupes français qui chantent en anglais, le gouvernement considère que c’est une aberration. De plus, ils restent une minorité, (combien sommes nous en France, une quinzaine ?, un peu plus ? Qui s’intéresse à ces groupes ? Quel poids ont-ils dans tout çà ? pas bien lourd).

Un groupe comme Sloy pourrait donc se sentir lésé par une telle loi...

Pourtant en conclusion de cette petite enquête, il n’en est rien, puisque sortie des gros réseaux radiophoniques, soumis à des contrôles draconiens, les radios rock continuent de largement diffuser des groupes comme nous [NLDR : Sloy] . Car, ils ne disposent pas suffisamment d’artistes rock francophones de qualité pour garder le même format. Nous sommes diffusés sur des réseaux trop insignifiants et contrôlés que très sommairement : le système de suivi mis en place par le C.S.A. a été confié à une société spécialisée (IPSOS). Ce système est en principe complété par les déclarations mensuelles auxquelles sont soumis les radios. Au plus tard, le 10 de chaque mois, chaque radio adresse au C.S.A., une déclaration portant mention des pourcentages des chansons d’expression française. Le nombre de ces radios avoisine les 2500, impossible donc de vérifier si chaque déclaration mensuelle est exacte, à part de débloquer des moyens d’écoutes permanents colossaux, mais pourquoi faire ?

On pourrait " jouer le jeu " et se dire " on va chanter en français ". Mais ce n’est pas forcément pour çà que les grosses radios nous passeraient. C’est un tout. Si la musique ne correspond pas aux critères déterminés par lesdites radios, ce n’est même pas la peine d’espérer être diffusé, même sous la casquette francophone. Le cercle est vicieux, commencer à faire des compromis de ce type de groupes dans une spirale qui les entraînent fatalement à devenir des produits, par le simple fait de " vouloir être " et non " d’être ".

En ce qui concerne les réseaux commerciaux, il n’y a jamais eu de prise de risque. Ils recherchent des valeurs sûres donc ne s’intéressent pas à des groupes comme nous, loi ou pas loi ! Il y a une quantité diverse d’artistes français de qualité qui ne passent pas ou plus en radio, malgré les quotas. On ne peut pas dire que la loi ait permis à des artistes tels que Miossec ou Dominique A d’être plus diffusé. Il y a une notion de qualité qui n’est malheureusement pas prise en compte. Que la loi ait des applications sur le commerce ou l’industrie reste logique, mais il n’est pas normal qu’elle en ait sur l’artiste.

Après une année complète d’application de la loi [NDLR : l’artiste est daté de Décembre 1997], nous sommes en mesure de dire :

- Il n’y a à aucun moment une volonté de faire correspondre la loi à la réalité artiostique, l’artistique tout le monde s’en fout !

- C’est un problème politique,

la loi a voulu agir pour la francophonie ; la bonne excuse : on se sert de la langue pour ne pas faire du " protectionnisme ". C’est une simple tentative de relance de l’industrie musicale française en crise.

- Si on fait une moyenne des programmations francophones de toutes les radios en France, on arrive à 70-75 % d’expression française,(il y a des radios qui ne passent que du français), c’est la preuve flagrante que nous sommes face à u faux problème.

En conclusion, on peut dire que cette loi a simplement obligé les trois gros réseaux radiophoniques à passer du français avec la bénédiction des majors compagnies, au profit d’artistes francophones de " grosse variété ", de " rap " et de " dance " et pour coller à l’actualité aux " boys bands " ... une apogée artistique dans le genre.

Effectivement, tout va bien .... La chanson française se porte au mieux ... La plupart des ventes francophones augmente mais les ventes de disques en général diminuent ... çà s’appelle de la poudre aux yeux. Enfin, bonne ou pas bonne, d’accord ou pas d’accord, une loi c’est une loi, il faut s’y plier... merci !

Le 1er février 1994 est votée la loi n°9488 relative aux quotas d’expression française dans les radios (amendement Pelchat). D’une disposition de cette loi, résulte l’obligation de diffuser aux heures d’écoutes significatives, un minimum de 40 % d’oeuvres musicales créées ou interprétées par des artistes français ou francophones, dont la moitié au moins de nouveaux talents ou de nouvelles productions. Ce quota devra être atteint avant le 1er Janvier 1996, par chacun des services de radiodiffusion sonore autorisé par le conseil supérieur de l’audiovisuel, pour la part de ses programmes composée de musiques de variétés.

EXTRAIT DU TEXTE DE LOI :

Le titulaire (la radio) s’engage à ce qu’au moins 40 % de la totalité des chansons diffusées mensuellement entre 6h30et 22h30 soient des chansons d’expression française conformément à l’article 12 de la loi n°9488 du 1er février 1994, en outre il s’engage à ce que les chansons d’expression française provenant de nouveau talent ou de nouvelles productions représentent au moins 20 % de la totalité des chansons diffusées mensuellement entre 6h30 et 22h30.

Avec les définitions par application au présent article, on entend :

Par chanson, toute oeuvre comportant un texte chanté ou simplement récité, s’il bénéficie d’un accompagnement musical diffusé dans son intégralité.

Par chanson d’expression française, toute chanson interprêtée en français ou dans une langue régionale française. S’agissant des oeuvres qui comportent à la fois des paroles en français et dans une ou plusieurs langues, le C.S.A. a adopté le principe de retenir comme chanson francophone, toute chanson dont la part interprêtée en français est prépondérante.

Par nouveau talent, tout artiste ou groupe d’artiste qui n’a pas obtenu, précédent la sortie de son nouvel enregistrement, 2 albums " disque d’or " (un disque d’or = 100 000 exemplaires vendus).

Par nouvelle production, toute création discographique pendant un délai de 6 mois pour les albums et les simples (single ou C.D. deux titres) non extraits d’albums, et de 3 mois pour les simples extraits d’albums, à compter de la date de leur 1ère commercialisation.

ELECTRIC - THE SLOY NEWSLETTER - DECEMBRE 1997 - N°7


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