Extraits du journal Charlie Hebdo

 

Mercredi 18 février 1998

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Minables. Trois conseillers municipaux FN de Vitrolles, dont Hubert Fayart, le premier adjoint au maire, ont été radiés des listes électorales. Ils ne sont pas domiciliés à Vitrolles. S'ils veulent poursuivre leur carrière de faux électeurs, ils peuvent toujours demander à Tibéri qu'il les inscrive dans le Vème.(Charb)

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Facho akbar ! Le Pen a été l'invité d'honneur de l'ambassade d'Iran à Paris à l'occasion du 19e anniversaire de la révolution islamique. "J'y ai été reçu comme un prince en son domaine" (Libé, 12/02). A quand Le Pen reçu comme un émir du GIA en Algérie ? (Charb)

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Chasse au faciès. Jean-Marie Le Pen, chasseur de palombes basanées : "C'est beaucoup plus que la traque des oiseaux, c'est une occasion de se retrouver entre copains dans la campagne derrière son chien" (AFP, 14/02). Remplacez "oiseau" par "immigré" et vous aurez le programme du Front National.

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"J'étais à 50m des chambres à gaz" (André Balbin - témoin)
* La cour aborde le dernier convoi, celui de mai 44. Dans ce convoi partiront des personnes âgées, des impotents, des estropiés de 14-18. Le président interroge Papon :
- Vous nous dites que vous ignoriez le phénomène lui-même, la façon dont on a industrialisé les moyens de mort, mais ma question demeure : qu'imagine-t'on que vont faire ces anciens combattants cul de jatte en Allemagne ?
- Oui, avec ce que nous savons depuis, cela peut paraître étrange...
- Oui, mais qu'est ce que vous, vous imaginiez ?
- Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui imagine la réalité.
- Alors qu'imagines t'on
- Une réalité de malheur, de souffrance et éventuellement de mort. Il faut se remettre dans le temps.
- A partir de quel moment considère-t'on que le sort de ces juifs est celui là ? Je m'adresse à quelqu'un qui appartient à un réseau depuis janvier 43, ce qui suppose une autre source d'information. Depuis, qu'imagines t'on le sort effroyable que vous dépeignez ? Ce n'est pas à l'homme de la rue que je pose la question, c'est à un haut fonctionnaire, qui, depuis 43, adhère à un réseau de résistance !
- Oui oui, je suis prêt à répondre. En ce qui concerne la résistance, c'était plutôt un réseau action plutôt qu'un réseau de renseignement.
* "Ah ah ah !" Eclats de rire dans la salle.
- Maurice Papon, ma question porte sur la conviction que l'on pouvait avoir . Si on s'est posé la question, quelle réponse s'est on faite?
- On se posait effectivement la question [...] Des camps de déportation, on en avait bien entendu parler et les Français étaient déjà, entre guillemets "habitués" à la déportation des Français, Juifs ou non Juifs. Quand on évoquait cela, on avait un voile de doute, mais ce doute ne portait ni sur la souffrance ni sur les malheurs qu'ils supportent. Voilà ce que je peux dire.
* L'avocat général :
- Dans le convoit d'octobre 42, il y a 19 personnes âgées et 23 enfants de moins de 16 ans. Dans le convoi de novembre 43, il y a 25 personnes âgées et 35 enfants de moins de 16 ans . Là encore, ces enfants ne partent pas pour travailler. Maurice Papon, depuis très longtemps, vous saviez que ces juifs-là, ils ne partent pas dans un camp de travail. Ils n'ont pas de force de travail.
- (silence - pas de réponse).... Quelle est la question monsieur l'avocat général ?
- Ces rafles, ces convois ont été ponctués d'évasions, de suicides, d'actes désespérés pour échapper à leur sort et puis, vous savez les conditions inhumaines de transport. C'est vrai que ces derniers temps, l'apparence n'a plus d'importance, les Allemands ne prennent plus de gants. Vous avez su aussi, pour la sinagogue et les conditions de transport dans des wagons à bestiaux à la gare St Jean. Vous n'avez pas osé regardé la vérité en face !
* En effet, pendant ce deux années à la tête du Service des Questions Juives, Papon n'a jamais mis les pieds au camp de Drancy, près de Paris, au camp de Mérignac, en banlieue de Bordeau, à la synagogue où ont été parqués les Juifs raflés en janvier 44. La synagogue de Bordeaux est à un quart d'heure à pied de la préfecture ! Mais Papon en a marre d'être questionné sur ce sujet et le fait comprendre. Il est 18 heures, il veut s'en aller et range déjà ses affaires dans son cartable alors que les questions se poursuivent.
- Finnissons-en ! Finnissons-en ! C'était des camps de travail ! C'était des camps d'internement !
* André Balbin
- En 1941, j'ai été pris dans une rafle. Arrivés à Auschwitz, on ne nous a pas mis tout de suite dans le camp. De là, on est allé à Birkenau et on a commencé à nous mettre en rang . Fallait se mettre en rang d'une telle façon que ça ne dépasse pas d'un centimètre. Et puis, on a appris à mettre la casquette sur la tête, l'enlever, la remettre, et aussi longtemps qu'ils le voulaient. On entendait voler une mouche. Malheur à celui qui était en retard d'un centième de seconde. Il y avait des kapos avec des grands bâtons qui tapaient sur la tête. On nous a fait un discours : "Si vous êtes gentils et si vous travaillez bien, vous aurez la chance de vivre 3 mois !!". (Il s'étrangle d'émotion). Il y avait une autre maisonnette, c'était la chambre à gaz, parce qu'ils n'arrivaient pas à fusiller tous ceus qui y arrivaient et puis un jour, on m'a pris dans ce commando et je n'ai pas été envoyé dans la chambre à gaz. J'étais à 50 m des chambres à gaz. On faisait des trous de 10 ou 15 mètres sur 4 et alors, ceux qu'on gazait, le kommando les amenait dans ces trous et mon kommando est arrivé un matin et on a rangé ces cadavres, on a arrosé avec de la chaux, un peu de terre. Les cadavres, çà prend de la place. Ces cadavres, fallait que çà se voit pas. Il fallait niveler ces caveaux. On tassait la terre pour que çà se voit pas qu'il y ait des morts. Cà, çà a duré presque quinze jours ce travail.Un détenu s'est approché de la terre et de la chaux et a crié : "C'EST MA FILLE !!" Nous on a dit : "C'est pas possible, vous ne pouvez pas dire que c'est votre fille !". Un soldat est arrivé. On lui a dit : "Il a vu sa fille dans le trou." Le soldat, il a pris son révolver, il l'a descendu. Il a dit : "Maintenant, tu seras avec ta fille." Mais malheureusement, (il s'étrangle d'émotion) ON NE POUVAIT PAS LE METTRE DANS LE TROU AVEC SA FILLE !! Car quand il sortait 100 personnes, il fallait faire revenir 100 personnes. On n'a pas pu le laisser dans le trou, il a fallu le ramener le soir dans le camp.
* André Balbin est arrivé à Auschwitz le 22 mai 1942. Cinq mois après, ses parents et sa soeur sont raflés à Bordeau et déportés dans le convoi du 26 octobre 1942. Un jour, un détenu lui apprend que ses parents viennent d'arriver au camp :
- Quand arrivaient les convois, on donnait les numéros, ici et ici. On a cousu ces numéros à la machine. J'ai le numéro 41796. On avait pas de nom là bas. J'ai des larmes dans les yeux. Il faut m'excuser. Je n'ai jamais pleuré au camp ... Je savais que mes parents étaient là.-  (sanglots) - Il n'y a pas eu de sélection. Ils n'ont pas eu de numéros. Ils ont été directement à la chambre à gaz.
* Puis il s'adresse aux jurés :
- J'ai confiance en vous. C'est pas possible... Et tous ces milliers qu'on a rammassés ici à Bordeaux. On ne peut pas laisse.... Ce serait peut-être le dernier jugement.... Mais il faut juger ! Et je crois en vous, j'ai confiance. Si je me permet, ce n'est pas pour vous donner un conseil, moi, j'ai 89 ans, je veux vivre et voir sa mort. Papon doit apyer. Il faut qu'il paye. Il faut au moins juger et faire de la prison. S'il fait pas de prison, y'a pas de justice !
* Il est 18h30. Papon regarde sa montre. Papon n'aime pas les audiances trop longues...

à suivre ....

 


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